Ce voyage valait vraiment le coup, pour la curiosité de découvrir un pays exceptionnel, au sens premier du terme. Certains points étaient proches de ce que a quoi je m’attendais, d’autres beaucoup moins.
Je m’attendais à voir un culte pour les leaders (le président Kim Il Sung, le général Kim Jong Il et le maréchal Kim Jong Un au cas où leurs noms vous échapperaient toujours), et j’ai été de ce côté la plutôt surpris. Si ce n’est pas plus choquant en principe que n’importe quelle religion d’État à laquelle tout le peuple est fortement conseillé de croire, il me semble que ce culte est tout de même parmi les plus intensément pratiques. Des portraits du Président, souvent accompagne du général, sont présents partout, et de grands écriteaux rouge et blanc (ou je ne sais reconnaitre en général que les noms des leaders) rappellent les plus importants versets de la pensée Juche.
Je m’attendais à voir un pays assez pauvre et là aussi, j’ai vu des charrues tirées par des bœufs, des étendues entières de terre sans un seul hameau avec des gens marchant, attendant que le temps passe ou grattant la terre dans l’espoir d’y faire pousser quelque chose. Le contraste entre la campagne que nous avons pu voir et Pyongyang est frappant (je n’ose pas imaginer la campagne que nous n’avons pas pu voir, encore plus loin des routes principales), puisque la ville semble elle se développer. Les rues sont propres, les voitures commencent à être en nombre non négligeable, l’électricité présente, les immeubles grands et les gens ne semblent pas y avoir particulièrement faim. Toutefois, il y a plusieurs types de pauvreté que j’ai pu voir dans mes voyages. Le premier est la pauvreté non-technologique, où on a l’impression de voyager dans le temps, vers une société cohérente mais encore au siècle passé technologiquement, comme dans certaines provinces de Chine ou justement en RPDC. Le deuxième est la pauvreté bidonville, que j’ai pu voir notamment au Brésil ou aux Philippines, où on a l’impression d’un pays qui a tenté de s’accrocher à la locomotive de la mondialisation mais a laissé certains wagons se décrocher. Dans ces pays, l’activité est morne dès qu’il n’y a pas de touriste, et les habitants surgissent de tous les endroits pour nous demander un dollar. Je pense être plus dérangé par cette deuxième pauvreté, car la première ressemble à la Chine d’il y a 50 ans, la Corée du Sud d’il y a 30 ans, ou la France d’il y a 100 ans et a par conséquent à mes yeux un potentiel de croissance saine plus grand.
En revanche, je m’attendais à être vraiment suivi à la trace par des guides intransigeants, à risquer la potence (ou au moins la confiscation de l’appareil) pour la moindre photo prise sans autorisation expresse, à ne pouvoir absolument pas sortir du chemin tracé par la Korea International Travel Company, mais j’étais assez loin du compte. Les guides étaient vraiment sympathiques. On pouvait prendre des photos assez librement, sauf dans les musées (comme presque partout), juste en face des gens sans avoir leur autorisation (comme partout) ou à certains points militaires très sensibles comme les checkpoints ou la frontière (ce qui est compréhensible) ; et lorsque nous tentions de déroger à ces règles, on avait le droit à une petite remontrance et ne risquions vraiment pas plus, à moins d’insister lourdement.
Le deuxième point diffèrent de ce à quoi je m’attendais était l’attitude des locaux. On m’avait prédit une armée de zombies identiques, froide et sans réaction aux étrangers, à un mélange de 1984 et de Tintin au pays des Soviets. Je n’ai pas dû aller dans le même pays que ceux qui ont écrit cela car s’il est vrai que la tenue vestimentaire, surtout des hommes, était moins variée que dans la plupart des autres pays du globe, les Coréens que j’ai vus ressemblent à n’importe quels autres êtres humains : ils sourient lorsqu’on leur sourit et font la gueule lorsqu’on pense a priori que ce sont des zombies. Les enfants sont rieurs et curieux, comme partout. Les gens nous saluent spontanément quand ils nous voient, ou répondent à nos saluts. Nous avons pu à plusieurs reprises nous mêler à la foule de Pyongyang et échanger avec eux. J’ai parfaitement conscience que Pyongyang est différente du reste du pays, que nous ne côtoyions que l’élite, mais cette élite en tout cas ne semble ni foncièrement plus heureuse ni foncièrement plus malheureuse que les autres personnes que j’ai pu voir ; et j’ai le sentiment que c’est la même chose à la campagne, même s’ils n’ont que peu d’information (voir pas du tout) sur ce qui se passe à Pyongyang et donc a fortiori dans les autres pays. Je pense que lorsqu’on considère a priori les gens comme des zombies au c&eolig ;ur glacial avant même de les regarder, ils nous apparaissent comme tel, alors que si on arrive vers eux en souriant, l’esprit ouvert à tout ce qu’ils pourraient manifester, ils sont naturellement plus accueillants et le contact est meilleur, et ce quel que soit le pays du monde où l’on est.
On m’avait dit que je ne verrai que des acteurs, je n’y crois pas un seul instant. Je pense que les Pyongyongais ont d’autres chats à fouetter que de se préoccuper de la poignée de touriste qui parcourt la ville. Je suis conscient que les endroits que nous visitons sont choisis soigneusement, mais les gens que nous y voyons me semblent vraiment naturels, même si, je le répète, ils font partie d’une caste privilégiée. Je me dis également que, même si c’est diffèrent, lorsque les Chinois viennent visiter Paris en bus de touristes, on leur montre le Louvre, Versailles et la champ de mars et ils ne connaissent pas les banlieues sensibles du 93 ou la Creuse (avec tout le respect que j’ai pour ce département ;) ) lorsqu’ils rentrent au bercail. La seule différence est que les touristes en France pourraient, s’ils le voulaient, demander à voyager en car jusqu’au 93, mais personne ne le fait. Et la RPDC ne semble pas encore prête à accueillir les routards qui voyagent en solo pour explorer les coins les plus reculés du pays…
Il existe 2 types de livres et témoignages sur la RPDC. Les premiers sont des témoignages des victimes du régime, de gens ayant souffert de la faim, de la mort de leur proche ou même des camps; je n'ai aucun moyen de commenter cela a la lumière de mon séjour ici, dans un voyage organise. En revanche, le deuxième type de témoignage est fait des témoignages des touristes en RPDC, et je peux clairement commenter ce que j'en ai lu après l'avoir vécu moi-même. Ces derniers points diffèrent donc fortement de ce que j’avais pu lire ou entendre à propos des experiences des touristes dans ce pays propavant de venir. Je ne sais si Pyongyang change ou si les journalistes et écrivains essaient d’amplifier les aspects les plus vendeurs du séjour pour se faire mousser, mais espère que la première solution est la bonne.
Mon meilleur souvenir restera sans aucun doute le semi-marathon et cette ambiance si particulière. J’ai presqu’envie de revenir courir la course complète l’an prochain, si j’arrive cette fois à m’entrainer un peu sérieusement, pour viser le podium !
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dernière mise à jour le 23/04/2014