Quelle journée ! Elle restera à coup sûr dans les moments les plus mémorables de ma vie, tout du moins des parmi les moments de sport. Je me suis donc réveillé à 6h, sorti du lit par le morning call de l’hôtel (qui consiste en fait en un employé qui toque à la porte, à 6h00), puis commence à m’habiller pour ma course. Nous partons de l’hôtel à 7h.
Sur la route, je vois des gens cultivant des lopins de terre au pied de leurs immeubles (le dimanche est le seul jour de repos mais beaucoup sont volontaires pour jardiner pour la collectivité).
Lorsque le car s’arrête à coté des autres, nous sommes surpris par la foule immense qui rentre dans le stade. On nous demande de prendre nos affaires, mais devons avoir nos affaires de sport sous nos vêtements de ville, pour la cérémonie d’ouverture. Je décide de prendre tout de même ma ceinture qui transporte deux petits bidons de Pocari sweat, quelques gels nutritionnels, des compeed, de l’imodium et un iPod Shuffle au cas où ça devient dur, et qui est surtout un prétexte pour transporter discrètement une Gopro à l’arrière, dans une petite poche en maille dans laquelle j’ai découpé un trou d’1cm2 et avec laquelle j’espérais bien filmer la course. On nous demande de nous regrouper par épreuve, et vais donc à contrec&oeligur dans le peloton des décakilometreurs.
Finalement, à la toute dernière seconde, Ri me dit que je peux finalement faire le semi. Je change donc de groupe avec joie. On se place en rang, 6 par colonnes, derrière une Coréenne qui tient un panonceau Amateurs 2 en anglais en en coréen. Puis, nous rentrons dans le stade, par délégation (chaque pays pour les professionnels, c’est-à-dire une cinquantaine de coréens, plus une douzaine d’autres pays, avec entre 1 et 5 athlètes à chaque fois, une délégation Amateurs 1 : les amateurs marathonien, une délégation Amateurs 2 : les amateurs semi-marathonien, une délégation Amateurs 3 : les amateurs de décakilo – chaque délégation amateur comptant environ 70 membres – puis, pour finir, environ 300 enfants locaux).
Comme aux JO, on fait le tour de stade Kim Il Sung, rempli à craquer par 100 000 spectateurs qui nous acclament, répondent à nos sourires, composé de civils et de militaires, de femmes et belles robes traditionnelles colorées, et tous arborant leur badge avec les deux Kim. Cette sensation est vraiment incroyable! Il y a quatre fanfares d’écoliers, une dans chaque coin du stade, qui rythment le tout. Nous nous alignons ensuite face à la tribune officielle, puis on nous dit une douzaine de phrases en coréen, que nous applaudissons bien sûr vigoureusement à chaque fois sans comprendre, puis on nous fait signe d’aller retirer nos vêtements de ville dans les cars avant de revenir dans le stade.
Après un premier faux départ général, je démarre mon premier semi ! Il faut au début se frayer un passage parmi les coureurs, heureusement peu nombreux. Je pars un peu vite (sur des bases de 1h20) et ralentis donc légèrement la cadence après 2 ou 3 kilomètres, le but étant avant tout de le finir, surtout que nous n’avons pas eu les temps de nous échauffer. L’ambiance de la course est assez irréelle, il y a beaucoup d’enfants qui courent, certains, à peine hauts comme trois pommes de 40 cm chacune, se maintiennent à mon rythme, mais le plus impressionnant est la foule de badauds sur les côtés qui nous encouragent, nous sourient, nous saluent et sourient voire éclatent de rire lorsqu’on leur répond par un geste, un sourire ou même un kamsa hamida haletant. Je boucle le premier tour de 10km en 44 minutes, en me sentant bien. Malgré une ou deux personnes qui me disent que j’ai un dossard de décakilometreurs, je continue donc. La deuxième boucle est différente. Les enfants qui me tenaient en respect (en étant toutefois bien rouges et en souffrant) ne couraient apparemment que 10km et les coureurs sont désormais plus éparpillés, avec environ 2/3 coureurs tous les 300 mètres.
Je suis dans la même foulée qu’un marathonien depuis le début, il m’interroge brièvement au début du deuxième tour, étonné que je continue malgré mon dossard indiquant que je devais m’arrêter puis nous restons ensemble pendant environ 9km avant qu’il me reparle en me disant d’accélérer pour mon dernier km, ce à quoi je m’exécute non sans sentir la fatigue commencer à poindre. Je suis alors encouragé par un Pyongyongais qui me dit, alors que je passe devant lui « I hope you will win » puis bifurque donc vers le stade d’arrivée, qui est le même que celui du départ. Là, à l’entrée dans le stade, toujours plein de ses 100 000 spectateurs, il reste 100m de piste à parcourir avant le ligne, que j’effectue donc naturellement en sprintant histoire de m’achever, en levant les bras pour demander des encouragements au public, qui y répond pour mon plus grand bonheur. Extenué par cet ultime effort, je coupe mécaniquement ma montre-chronomètre en franchissant la ligne, avant d’apprendre avec effroi qu’il me faut encore faire un tour de stade complet pour finit les 21.098 kilomètres ! Les jambes et le souffle un peu coupés, je perds donc une place et me fait prendre 50 bons mètres par mon successeur dans ce dernier tour. Je finis en 1h33 environ(j’ai arrêté mon chrono à 1h31’13’’ avant le dernier tour et avait un moyenne de 4’24’’/km sur le dernier kilomètre, donc l’estimation me semble raisonnable, puisque je n’ai pas réussi à avoir mon temps officiel…).
Je suis assez content, car le but était de finir avant de performer, et parce que j’ai réussi à conserver une allure assez stable tout le long. L’ambiance est dure à décrire, mais faire une course pareille, autorisée pour la première fois aux touristes étrangers, encourage par une foule réceptive à mes retours, arriver presque seul dans un stade de 100 000 personnes et finir avec un temps raisonnable pour quelqu’un qui ne court que depuis 2 mois est réellement un souvenir magique.
J’apprends ensuite que le vainqueur amateur a fini en 1h24, et que je suis a priori dans le top 10 : je n’en demandais pas tant ! (enfin si, j’aurais bien aimé une médaille de participation, mais seuls les trois premiers de chaque distance et de chaque sexe y ont eu droit :( ). Je suis presque déçu lorsque je croise le vainqueur du 10km, qui me dit croire que j’ai fini mon premier tour devant lui, et espère un instant que l’erreur d’inscription me permettra de glaner une breloque mais finalement il semblerait qu’il se soit trompé et ai mis 41 minutes (si j’avais su que l’or était à 41 minutes au 10 km, je l’aurai peut-être fait, même si je suis à tout bien réfléchir vraiment content d’avoir fait mon premier semi !).
Cette course magnifique m’a en tout cas donné envie de continuer de courir et de revenir boucler le marathon l’an prochain, en moins de 3h si possible !
Le seul point négatif est que la Gopro a un peu bougé durant la course, et il y a donc une maille noire devant la moitié de l’objectif durant toute la vidéo. Dommage, mais je garde ses souvenirs dans ma mémoire : pour ceux qui voulaient les voir, il fallait donc y aller :p !
Nous avons ensuite visité la maison où est né Kim Il Sung, intacte et conservée dans son état d’origine d’après notre guide. On peut y voir les tableaux de sa famille, à quel point il était un héros issu d’une famille modeste, dans une maison censée avoir plus de 100 ans mais qui semble la plus propre et plus robuste de tout Pyongyang…
Nous avons continué en rendant hommage aux héros du peuple morts durant la guerre de Corée, en nous inclinant tous simultanément et en ligne, comme nous commençons à en prendre l’habitude.
Nous finissons notre journée par un hotpot coréen. Contrairement au chinois, chacun a son petit bouillon individuel dans lequel préparer sa tambouille.
Mon bilan après un jour et demi en RPDC peut sembler bien loin de ce qu’on en lit. Je suis d’accord et le premier surpris. Pyongyang ne me semble à première vue pas très différente d’une ville chinoise du nord de taille moyenne. Je ne pense pas qu’il s’agisse d’une façade, comme dans Tintin aux pays des Soviets, car les sourires et activités semblent vraiment sincères. En revanche, je suis bien conscient que Pyongyang, réservée à l’élite, diffère a priori fortement du reste du pays. Nous verrons bien demain sur le trajet menant à la DMZ, mais l’interdiction de prendre des photos depuis le bus lorsqu’on est a l'extérieur de la capitale semble en être un bon indice…
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dernière mise à jour le 23/04/2014